Corneille Molière l’arrangement, la presse en parle
? Libre Théâtre vous recommande ce spectacle
Molière est non seulement l’un des dramaturges les plus joués dans le monde, mais aussi une figure romanesque, dont la vie mouvementée, parfois scandaleuse et souvent mystérieuse, a inspiré nombre d’auteurs, de George Sand à Mikhaïl Boulgakov, en passant par Anouilh et Cocteau. Sans oublier Ariane Mnouchkine, l’un des génies tutélaires de la Cartoucherie de Vincennes, qui en a fait un film devenu un classique. La vie réelle ou fantasmée de Molière est en elle-même une tragicomédie.
Et si Molière n’avait pas écrit toutes ses pièces, mais s’était « arrangé » avec d’autres auteurs, au premier rang desquels Corneille, pour fournir à sa troupe les nombreux textes dont elle avait besoin pour ses spectacles, se succédant à un rythme effréné ? C’est à partir de cette hypothèse, soutenue par quelques universitaires et pourfendue par d’autres, que Valérie Durin imagine la confrontation de Corneille et Molière pendant plus de quinze ans : la relation tumultueuse entre ces deux géants de la tragédie et de la comédie, faite d’admiration réciproque et de jalousie, de rivalité et d’amitié, de fidélité et de trahisons. Le texte est à la fois émouvant et drôle. L’intrigue intègre avec finesse de nombreuses tirades célèbres de ces deux génies du théâtre. Quant aux brillants dialogues de Valérie Durin, ils nous offrent une réflexion sur le processus de création et l’écriture pour le théâtre, et nous interrogent sur la notion même d’auteur : un concept finalement très moderne, qui ne prendra vraiment tout son sens au théâtre qu’à la fin du XVIIIIème siècle, avec la création par Beaumarchais de la première société d’auteurs dramatiques. Cette comédie historique est servie par deux comédiens de talent, qui réussissent à nous rendre très proches ces deux figures mythiques du théâtre français.
Texte et mise en scène : Valérie Durin
Avec Etienne Brac et Jean-Benoît Terral
Lumières : Pablo Roy
Production Arrangement Théâtre
Avec le soutien du Conseil Départemental de l’Yonne
https://www.froggydelight.com/article-20359-L_Arrangement.html
6 avril 2018 / Ruth Martinez
Froggy’s delight du 8 avril 2018 :
Deux hommes vêtus quasiment à l’identique de noir, avec, en
rouge couleur rideau de théâtre, pour l’un, la robe d’intérieur pour
l’homme de cabinet et, pour l’autre, la veste d’homme pressé
toujours attendu au Palais Royal, sont liés, outre une amitié
demeurée occulte, par un arrangement secret.
Tel un amant adultère, Molière rejoint régulièrement et
clandestinement Corneille dans son antre normande pour
l’entretenir de ses soucis personnels d’homme et de directeur de
troupe et solliciter, contre écus sonnants et trébuchants, une
nouvelle partition pour divertir le roi.
Sur les thèmes du négriat littéraire et de l’amitié vache, et sur fond de la fameuse « Affaire
Corneille-Molière » qui défraie régulièrement la chronique depuis un siècle, au terme de
laquelle Corneille serait l’auteur des principaux chefs-d’oeuvre attribués à Molière, Valérie
Durin a élaboré avec « L’Arrangement » une passionnante et jubilatoire comédie pour le
plaisir du jeu et du théâtre.
S’émancipant du théâtre de conversation comme du biopic et de la pièce à thèse, elle a
oeuvré de manière percutante en partant du postulat de leur collaboration et érigeant les
deux protagonistes en personnages de théâtre dont ils présentent naturellement tous les
attributs tant par l’antagonisme de leur tempérament que par l’infatuation de leur ego et
leur propension au cabotinage.
Entre Corneille, le « vieux bouc », fils de notable qui a fait ses classes chez les Jésuites, le
Shakespeare français en panne d’inspiration, le grand écrivain tragique passé de mode
supplanté par Racine, et ermite austère, et Molière, son cadet, fils de tapissier, bouffon du
roi, directeur ambitieux d’une troupe de « farceurs », génial comédien et épicurien, les
échanges sont musclés.
Notamment sur la primauté des rôles entre auteur et acteur et la belle figure de Madeleine
Béjart. Car à la finesse caustique et manipulatrice et caustique du premier répond le sens
de la répartie de l’homme de scène et de cour.
Valérie Durin signe une mise en scène alerte et vive pour cet opus qui constitue
également une pièce pour acteur dispenée par deux comédiens aguerris et épatants qui
incarnent parfaitement l’époustouflant duo à la fois rival et complice.
Jean-Benoît Terral campe magistralement un Molière impétueux et vibrionnant coincé
entre un avare cupide et une « folle chantante » (Lully) et de troubles amours en famille et
Etienne Brac excelle en Corneille aux mines de Raminagrobis capable de s’emporter en
telluriques colères.
Un parfait et réjouissant moment de théâtre.
MM www.froggydelight.com